Catégorie : Classique Du 19ème Siècle

Histoires de Bretagne – T04 – Le Gardien du feu – Partie 2

Albums publiés en 2010 aux éditions Soleil.


Résumé éditeur

L’adaptation du célèbre roman d’Anatole Le Braz publié pour la première fois en 1900.

Cloîtré dans un phare au large de la Pointe du Raz, Goulven Dénès raconte ce qui l’a poussé à commettre un crime incroyablement cruel.

Rien ne devait rapprocher ce sombre Léonard d’une belle et insouciante Trégorroise.

Et pourtant Goulven se prend d’un amour fou et maladroit pour Adèle, qu’il adule sans être capable de la rendre heureuse…

Une passion maladive exacerbée par le cadre étouffant d’un phare, au large d’un Cap Sizun hostile, qui le mène à commettre un crime incroyablement cruel.


L’avis d’histoiregeobd.com sur la bande dessinée « Histoires de Bretagne – T04 – Le Gardien du feu – Partie 2 »

Dans « Le gardien de feu – Tome 2 – Adèle« , François Debois, secondé par le pinceau expressif de Sandro, poursuit avec une maîtrise sombre le récit de passions dévorantes sur fond de landes bretonnes.

L’ouvrage, qui clôt ce diptyque, s’empare de l’ambiance âpre des côtes du Finistère pour déployer un drame humain, où l’amour côtoie la trahison et la folie. Le phare, personnage à part entière, veille sur les destins croisés de Goulven, Adèle et Hervé, dans une histoire où le huis clos maritime se fait écho du tumulte des cœurs.

Le trait de Sandro, alliant rugosité et éclats de lumière, offre une porte ouverte sur l’âme de ces personnages tourmentés, tandis que le scénario de Debois, bien qu’empruntant à des thématiques classiques du triangle amoureux, surprend par son intensité psychologique. La dimension tragique s’accentue au fil des pages, dépeignant avec une efficacité redoutable le basculement dans la vengeance et la folie.

extrait bd bd Le gardien de feu - Tome 2 - Adèle

Cette bande dessinée n’est pas qu’une simple lecture; c’est une immersion dans une Bretagne mythique et sauvage, où le surnaturel frôle le quotidien.

« Le gardien de feu » est une œuvre qui, au-delà de ses qualités narratives et esthétiques, interroge sur la nature humaine et la fine frontière entre l’amour fou et la démence.



Lieu visité par la bd en Bretagne

Phare de la Vieille

Poil de Carotte (Petit à Petit)

Bande dessinée publiée en 2010 aux éditions Petit à Petit.


D’après le roman de Jules Renard publié en 1894

La célèbre histoire de Poil de Carotte est celle d’un enfant roux mal aimé, victime d’une famille cruelle.

François Lepic, de son vrai nom, grandit entre une mère qui le hait et un père indifférent.

On suit le parcours de ce jeune garçon, sa relation avec ses parents, avec le monde qui l’entoure et avec la nature.

Poil de Carotte utilise la ruse pour lutter contre les humiliations du quotidien et braver le monde des adultes.

Ainsi, malgré le drame, on savoure de délicieuses aventures, drôles, cocasses, émouvantes, souvent traitées avec l’ironie si bien maîtrisée par le scénariste Luc Duthil et la dessinatrice Céline Riffard.


L’avis d’histoiregeobd.com sur la bande dessinée « Poil de Carotte »

« Poil de Carotte » de Luc Duthil et Céline Riffard s’érige en tant qu’adaptation remarquable qui parvient à capturer l’essence de l’œuvre originale de Jules Renard, tout en insufflant une modernité saisissante à travers le prisme de la BD. Cette œuvre graphique nous plonge dans la complexité des relations familiales, mises en lumière par une narration visuelle aussi expressive que poignante.

La plume de Duthil, à la fois acérée et délicate, reconstruit avec subtilité l’univers de Renard. Il peint le portrait de François Lepic, alias Poil de Carotte, un enfant aux prises avec l’indifférence paternelle et la cruauté maternelle, dans un style qui oscille entre la satire sociale et une tendre mélancolie.

Le jeune garçon, mal aimé et souvent chahuté par le sort, trouve dans la ruse et une ironie innée les armes pour affronter un quotidien qui ne lui fait pas de cadeaux. Cette adaptation ne se contente pas de représenter les tourments de Poil de Carotte ; elle invite aussi à réfléchir sur la résilience et la capacité à trouver de la beauté et de l’espoir dans les interstices d’une vie qui semble parfois vouloir l’engloutir.

Le trait de Riffard, quant à lui, est une ode à la complémentarité avec le texte de Duthil. Les illustrations, vives et captivantes, ne trahissent pas la gravité du récit ; elles lui offrent au contraire un contrepoint visuel qui amplifie les émotions.

Les couleurs chaudes et l’expressionnisme subtil des personnages confèrent à la bande dessinée une dimension presque théâtrale, où chaque case est une scène chargée de significations et d’émotions.

La dualité entre le scénario et le graphisme crée un dialogue où l’humour et la tragédie se côtoient sans jamais se confondre, une prouesse qui témoigne de la maîtrise des auteurs sur leur art. « Poil de Carotte » ne se lit pas uniquement avec les yeux ; il se ressent, faisant appel à la sensibilité et à l’intelligence émotionnelle du lecteur.

Cette œuvre s’impose comme un incontournable dans le paysage de la bande dessinée francophone, un classique revisité qui, bien que fidèle à son matériau d’origine, n’hésite pas à explorer de nouvelles avenues narratives et esthétiques. Elle s’adresse à tous ceux qui, à l’instar de Poil de Carotte, cherchent leur place dans un monde qui n’est pas toujours prêt à les accueillir.

Les frères Corses – Tome 2 – Le Témoin

Album publié en 2016 aux éditions DCL.


Résumé éditeur

Adapté de l’œuvre Les frères Corses de Alexandre Dumas publié la première fois en 1844.

Mars 1841. Après un voyage en Corse et alors qu’il rentre chez lui à Paris, Alexandre Dumas se rend chez Louis de Franchi, afin de lui transmettre le courrier de sa famille, qui vit dans le village de Sollacaro.

Se nouant d’amitié avec le jeune avocat insulaire, Alexandre Dumas accepte de l’accompagner au bal de l’Opéra.

Là, les deux hommes sont invités à dîner dans la nuit. Espérant y retrouver la femme qu’il aime en secret, Louis de Franchi accepte.

Mais lorsqu’au cours du repas mondain la jeune femme est humiliée publiquement par son amant, Louis vole à son secours et provoque en duel le fameux et redoutable de Château-Renaud.

Avant d’en découdre au bois de Vincennes, et dans la nuit précédant le combat, le jeune Corse reçoit la visite du fantôme de son défunt père lui annonçant sa mort prochaine.

Pendant ce temps, Lucien de Franchi quitte la Corse afin de rejoindre son jumeau à Paris. Dès lors, le surnaturel et la mort s’invitent dans ce récit passionné et passionnant.

Mais il n’est pas au bout de ses surprises…


L’avis d’histoiregeobd.com sur la bande dessinée « Les frères Corses – Tome 2 – Le Témoin »

Dans la veine de la littérature classique et de la tradition graphique, « Les frères Corses – Tome 2 – Le Témoin » de Frédéric Bertocchini, illustré par Eric Rückstühl et colorisé par Pascal Nino, s’aventure avec audace sur les traces d’Alexandre Dumas.

Cet opus clôt la diptyque commencée par « Les Frères Corses – Tome 1 – Le Paceru« , emportant le lecteur dans un Paris de 1841 où le mystère et le surnaturel dansent un ballet aussi élégant que mélancolique.

Bertocchini, avec une main de maître, nous présente un Alexandre Dumas en plein cœur d’une intrigue qui dépasse la fiction. À travers les yeux de Louis de Franchi, jeune avocat corse, le récit dépeint une fraternité déchirée par le destin. Le pathos de l’histoire s’entrelace avec la beauté tragique de l’île de Corse, évoquant les thèmes universels de l’honneur et de la vendetta insulaire.

Le scénario, bien qu’ancré dans un contexte historique et littéraire dense, ne perd jamais le lecteur grâce à un rythme bien maîtrisé et des dialogues ciselés. La bande dessinée se lit comme un roman d’antan, avec la vivacité et le dynamisme propre au neuvième art.

Les dessins de Rückstühl et les couleurs de Nino se marient à merveille avec le ton de l’œuvre, créant une atmosphère qui oscille entre réalisme historique et lyrisme. Les expressions des personnages portent en elles les émotions complexes de l’intrigue, tandis que les arrière-plans détaillés invitent à une immersion totale.

« Les frères Corses – Tome 2 – Le Témoin » est ainsi une lecture recommandée non seulement pour les passionnés de Dumas et les amateurs de récits historiques,



Lieu visité par la bd en Corse

Sollacaro

Voyage avec un âne

Bande dessinée publiée en 2024 aux éditions Futuropolis.


Librement adapté du récit de Robert Louis Stevenson publié en juin 1879.

couverture bd Voyage avec un âne

En septembre 1878, Robert Louis Stevenson a 28 ans. Accompagné de Modestine, une ânesse rétive, il traverse en douze jours les Cévennes, de Monastier à Saint-Jean-du-Gard.

Dormant sous les étoiles qui avaient éclairé la révolte des camisards, se lavant dans l’eau courante des rivières, amical envers les moines trappistes comme envers les dissidents protestants, il découvre la magie des rencontres, la complicité des paysages, l’ivresse de la liberté.

Lui qui est parti sur la route à la suite de sa rupture avec Fanny Osbourne, une américaine mariée de 10 ans son aînée, il trouve en chemin toutes les raisons de croire en l’amour qui va changer son existence et ramène le livre le plus cordial et le plus confiant en la vie.

Après la mort de Stevenson, le succès du livre et l’engouement pour ce voyage se développent au point qu’en 1978, pour le centenaire, cette randonnée de 220 kilomètres est devenue « le chemin de Stevenson » sous le nom de GR70 !

À partir du livre de l’écrivain écossais, mais aussi à travers sa correspondance, Perrissin et Sterckeman adaptent fidèlement son récit mais aussi le contexte de son voyage.


L’avis d’histoiregeobd.com sur la bande dessinée « Voyage avec un âne »

Dans « Voyage avec un âne dans les Cévennes« , Christian Perrissin et Matthieu Blanchin revisitent avec brio le récit de voyage de Robert Louis Stevenson. Cette adaptation en bande dessinée, fidèle à l’esprit du texte original, offre une expérience de lecture immersive et poétique.

Perrissin et Blanchin ont su préserver l’essence du récit de Stevenson en respectant son ton et son rythme. Les dialogues, savoureux, et les personnages, attachants, sont dépeints avec justesse et sensibilité.

L’âne Modestine, compagnon de route de l’écrivain écossais, devient un véritable personnage, doté d’une personnalité propre. Sa relation avec Stevenson, faite de complicité et de confrontation, apporte une touche d’humour et de tendresse à l’histoire.

extrait Voyage avec un âne

La dimension poétique de l’œuvre est indéniable. Les paysages des Cévennes, magnifiquement illustrés par Blanchin, sont mis en valeur par une palette de couleurs automnales qui confère à l’ensemble une atmosphère douce et mélancolique. Les cases, souvent dépourvues de texte, laissent une large place à l’image et invitent le lecteur à la contemplation.

« Voyage avec un âne » est également une réflexion sur la condition humaine et le rapport de l’homme à la nature. Au fil de son périple, Stevenson rencontre des personnages hauts en couleur, qui lui permettent de questionner ses propres valeurs et de porter un regard critique sur la société de son époque.

« Voyage avec un âne » est une adaptation réussie du récit de Stevenson. Servie par un scénario fidèle et un dessin délicat, cette bande dessinée est une invitation au voyage et à la réflexion, qui saura séduire les amateurs de littérature et de belles images. Une promenade poétique et introspective à ne pas manquer.

Le combat d’Henry Fleming

Bande dessinée publiée en 2024 aux éditions Dupuis.


D’après le roman The Red Badge of Courage, de Stephen Crane publié en octobre 1895.

bd Le combat d Henry Fleming

Henry Fleming, un jeune fermier de 18 ans, a quitté sa mère pour s’engager dans l’armée nordiste. Mais au fur et à mesure que le temps passe sans qu’il combatte ni aperçoive un seul rebelle sudiste, la motivation d’Henry s’effiloche.

Jusqu’au jour où arrive la nouvelle que la bataille est pour bientôt…

Cette fois, Henry n’a d’autre choix que de se poser clairement la question : aura-t-il le courage de participer à la grande boucherie des marées humaines se percutant ?

Il trouvera la réponse au cœur des détonations de la bataille, mais aussi du dialogue mené avec lui-même dans l’intimité de son âme tourmentée…

Une somptueuse charge pacifiste interrogeant le concept d’héroïsme, adaptation libre de The Red Badge of Courage, de Stephen Crane, monument de la littérature américaine.

Une nouvelle manière pour Steve Cuzor, après Cinq branches de coton noir, d’explorer le mythe américain.


L’avis d’histoiregeobd.com sur la bande dessinée « Le combat d’Henry Fleming »

Dans « Le Combat d’Henry Fleming« , Steve Cuzor nous convie à un périple graphique à travers les doutes et les désillusions d’un jeune soldat dans la guerre de Sécession, adaptation du roman de Stephen Crane. Cet album, publié dans l’éminente collection Aire Libre de Dupuis, est bien plus qu’une simple transcription visuelle : c’est une réinterprétation qui brasse l’intimité du courage et la brutalité de la guerre.

Cuzor, déjà salué pour son travail dans « Cinq Branches de coton noir », poursuit ici son exploration du noir et blanc avec une bichromie qui souligne avec acuité le contraste entre les idéaux de la jeunesse et la réalité du front. Son dessin réaliste, évoquant les grands noms de la bande dessinée classique, sert un récit où chaque trait semble porter en lui le poids de l’histoire et la fragilité de l’humain.

L’album excelle dans sa capacité à rendre les mouvements de troupes et les conflits internes d’Henry avec une intensité rare.

On est loin des clichés héroïques de la guerre : ici, la peur, la fuite et le retour au combat sont dépeints avec une sincérité déroutante, faisant de cette BD une expérience presque palpable. Cuzor ne se contente pas de reproduire des scènes de bataille ; il nous immerge dans l’esprit tourmenté de son protagoniste, rendant son introspection universelle.

L’adaptation est judicieuse, concentrée sur l’essence du personnage et de ses tribulations intérieures plutôt que sur des descriptions littéraires superflues. C’est une œuvre qui invite à la réflexion sur le concept de courage et la condition humaine au sein du chaos de la guerre.

« Le Combat d’Henry Fleming » est donc une œuvre magistrale qui, grâce à la maîtrise de Cuzor, devient un miroir de nos propres peurs et de notre recherche de bravoure.

Poil de Carotte (Delcourt)

Bande dessinée publiée en 2016 aux éditions Delcourt.


D’après le roman de Jules Renard publié en 1894.

« Tout le monde ne peut pas être orphelin » , se répète à l’envi François Lepic, alias Poil de Carotte, humilié quotidiennement par sa mère et ses proches parce qu’il est roux.

Seules la ruse et une lucidité inhabituelle chez un enfant de son âge lui permettent d’échapper au désespoir.

Mais Poil de Carotte, victime, peut devenir à son tour bourreau quand il compense sa frustration sur les animaux.


L’avis d’histoiregeobd.com sur la bande dessinée « Poil de Carotte »

Corbeyran engage le lecteur dans une relecture graphique du classique de Jules Renard, naviguant entre les rivages de l’innocence malmenée et les écueils d’une adaptation contemporaine.

Le trait de Renaud Collard, à la fois vif et expressif, parvient à capturer l’essence visuelle d’une époque révolue, tandis que la palette d’Isabelle Rabarot teinte l’ensemble de nostalgie et de fraîcheur. La bande dessinée se veut un miroir fragmenté, reflétant les morceaux choisis d’une enfance teintée de l’humiliation du jeune François, surnommé « Poil de Carotte » pour sa chevelure flamboyante.

Le scénario de Corbeyran, cependant, semble perdre quelques nuances du texte original dans son transcodage graphique.

Là où Renard avait tissé une toile fine d’implicite et de non-dit, la BD, dans son format inévitablement plus succinct, semble par moments simplifier le propos, le dénudant de certaines subtilités émotionnelles.

Il est indéniable que la bande dessinée suscite une émotion brute, une perturbation visuelle qui vient ébranler le lecteur, peut-être même davantage que le texte lui-même, prouvant la puissance de l’image sur le mot. Cependant, cette force se retrouve contrariée par une narration qui peine à égaler la profondeur psychologique de l’œuvre de Renard, laissant entrevoir des lacunes dans l’exploration des dynamiques familiales complexes et des tourments intérieurs du jeune Poil de Carotte​​​​.

« Poil de Carotte » de Corbeyran et Collard est une œuvre qui interpelle, bouscule, mais ne parvient pas totalement à s’emparer de l’âme de son modèle littéraire. Elle ouvre cependant une fenêtre intéressante sur le dialogue entre texte et image, et invite, malgré ses imperfections, à une réflexion sur la capacité de la bande dessinée à revisiter et à réinventer la littérature classique.

Jacquou le Croquant

Bande dessinée publiée en 2015 aux éditions Glénat.


D’après le roman de Eugène Le Roy publié 1896.

Un symbole intemporel de la lutte contre les injustices

couverture bd Jacquou le Croquant

En 1815, Jacquou naît à Comberges, pauvre métairie dépendante du château de l’Herm. Son père, qui travaille pour le comte de Nansac, meurt au bagne, condamné pour un meurtre qu’il n’a pas commis.

En exil, sa mère succombe à son tour des suites d’une existence trop rude. À l’âge de neuf ans, Jacquou devient orphelin.

Seul au monde, il erre de village en village jusqu’à être recueilli par le curé de Fanlac. Grâce à lui, Jacquou s’en sortira, mais il n’oubliera jamais le sort de ses parents.

En grandissant, il apprendra à transformer son désir de vengeance en un combat contre les injustices et à faire payer le cynique comte de Nansac.

Dans la lignée de La Guerre des boutons et de Poil de carotte, Christophe Lemoine et Cécile entreprennent d’adapter un nouveau classique de la littérature française afin de le faire découvrir aux plus jeunes.


L’avis d’histoiregeobd.com sur la bande dessinée « Jacquou le Croquant »

Dans les méandres du Périgord du XIXe siècle, « Jacquou le Croquant » émerge comme une œuvre graphique remarquable qui porte la patte délicate et pourtant expressive de Cécile. L’adaptation par Christophe Lemoine et Cécile du roman d’Eugène Le Roy, bien que destinée à un public jeune, ne manque pas de susciter l’intérêt des adultes par son écho vibrant aux luttes sociales intemporelles.

L’album s’ouvre sur des paysages dessinés avec une tendresse presque tangible, où le trait rond et généreux de Cécile invite à l’empathie. La colorisation de Mariacristina Federico apporte une profondeur sensorielle aux pages, établissant des atmosphères qui oscillent entre la douceur des souvenirs et la rugosité des injustices sociales.

extrait bd Jacquou le Croquant

Cependant, cette douceur visuelle contraste par moments avec la rudesse des événements narrés, créant un décalage presque poétique qui pourrait déconcerter le lecteur en quête de cohérence stylistique.

Le scénario de Lemoine fait preuve d’une fidélité louable à l’œuvre originale tout en l’adaptant avec sensibilité pour un lectorat moderne. La quête de justice de Jacquou est présentée non pas comme une vendetta personnelle, mais comme un élan vers l’équité, un thème universel qui résonne encore aujourd’hui. Cette transposition d’une lutte historique en une forme accessible aux jeunes générations est l’une des forces majeures de cette adaptation.

« Jacquou le Croquant » est une œuvre qui mérite l’attention pour son traitement graphique et narratif des thèmes de la justice et de la résilience. L’ensemble forme une bande dessinée chaleureuse et engageante, reflet d’une époque révolue mais dont les échos résonnent encore dans notre conscience collective.


Jacquou le Croquant

Le Horla

Bande dessinée publiée en 2014 aux éditions Rue de Sèvres.


D’après le roman de Guy de Maupassant publié en 1886.

couverture bd le horla

Le narrateur mène une vie tranquille dans sa maison au bord de la Seine, lorsque d’étranges phénomènes commencent à se produire.

Quelqu’un boit la carafe d’eau sur sa table de nuit, des objets disparaissent ou se brisent, une fleur est cueillie par une main invisible…

Peu à peu, le narrateur acquiert la certitude qu’un être surnaturel et immatériel vit chez lui, se nourrissant de ses provisions.

Pis encore, cet être, qu’il baptise le Horla, a tout pouvoir sur lui, un pouvoir grandissant… Du Horla ou de l’homme, l’un des deux doit périr.

Le Horla, comme les contes fantastiques écrits par Maupassant à la fin de sa vie, alors qu’il sombrait dans la folie, joue délicieusement avec nos nerfs en traitant de thèmes très actuels comme l’angoisse, la hantise du suicide et la peur de l’invisible.


L’avis d’histoiregeobd.com sur la bande dessinée « Le Horla »

« Le Horla » par Guillaume Sorel se présente comme un jalon notable, marquant de son empreinte le territoire souvent périlleux de la transmutation d’une œuvre littéraire en dessins et en couleurs.

C’est avec une main à la fois respectueuse et audacieuse que Sorel s’empare du texte de Maupassant, nous invitant à redécouvrir cette nouvelle fantastique à travers un prisme visuel qui déborde de sensibilité et d’innovation.

Lorsque l’on tourne les pages de cette bande dessinée, on est immédiatement frappé par l’éloquence du silence, par cette capacité qu’a Sorel de narrer sans mots, ou avec si peu, l’intériorité tourmentée du protagoniste.

L’artiste, en véritable ventriloque des émotions, fait naître une symphonie de couleurs et de formes qui traduit avec brio la montée en crescendo de l’angoisse et de la folie. Les choix chromatiques, tantôt apaisés en teintes pastel, tantôt alarmants en rouges et jaunes orangés, orchestrent une danse visuelle qui reflète la lutte intime du personnage contre un ennemi invisible.

extrait bd le horla

Certains puristes pourraient arguer que le medium de la bande dessinée, malgré toute sa splendeur graphique, peine à encapsuler la subtilité et la profondeur psychologique de la prose de Maupassant. L’introduction d’un chat, qui n’existe pas dans le texte originel, est symptomatique des libertés prises par Sorel. Pour certains, cela pourrait apparaître comme un écart injustifié, tandis que pour d’autres, c’est une incarnation métaphorique réussie, un guide silencieux dans ce labyrinthe de terreur psychologique.

« Le Horla » de Sorel s’impose non seulement comme une œuvre d’art graphique, mais aussi comme une réflexion sur la nature même de l’adaptation. C’est une invitation à redécouvrir Maupassant, à le sentir et le vivre différemment.

Le Comte de Monte-Cristo – Tome 2

Album publié en 2024 aux Editions Delcourt


Adapté de l’œuvre d’Alexandre Dumas publié en 1844 pour la première fois.

couverture bd Le Comte de Monte-Cristo - Tome 2

Dans ce second et dernier tome de l’adaptation du célèbre roman de Dumas, le Comte de Monte-Cristo accomplit sa vengeance et dévoile les crimes des traîtres qui l’ont fait condamner. Le dénouement d’une œuvre culte.

Le Comte de Monte-Cristo est à Paris pour se venger de ceux qui l’ont accusé à tort et fait emprisonner.

Il multiplie les identités et élabore un plan complexe pour punir ceux qui l’ont trahi : il dévoile leurs crimes, les conduisant à l’humiliation, la folie, la ruine ou la mort. Mais sur le chemin de la vengeance, Edmond Dantès trouvera aussi celui de la rédemption.

couverture bd Ivanhoé Tome 3

L’avis d’histoiregeobd.com sur la bande dessinée « Le Comte de Monte-Cristo – Tome 2 »

En revisitant le classique indémodable d’Alexandre Dumas, Patrick Mallet et son équipe artistique s’emparent d’une tâche colossale : transposer la complexité narrative du « Comte de Monte-Cristo » dans l’économie visuelle de la bande dessinée.

Le défi n’est pas mince ; il s’agit de capturer l’esprit de la vengeance méthodique d’Edmond Dantès, tout en rendant hommage à la richesse des personnages et à la profondeur psychologique de l’œuvre originale.

Le second tome, tout en poursuivant la trajectoire implacable de la vengeance de Dantès, ne fait pas l’erreur de se précipiter vers sa conclusion. Plutôt, il prend le temps de s’imprégner des nuances de chaque revanche, donnant à la rédemption finale une résonance bien méritée. Les illustrations de Bruno Loth, avec les couleurs de Corentin Loth, ne sont pas qu’un simple accompagnement mais s’élèvent au rang de narrateurs, déployant devant nos yeux le Paris du XIXe siècle avec une authenticité qui confine à la magie du temps retrouvé.

Ce n’est pas seulement l’histoire qui est rendue avec brio, mais aussi l’essence même des personnages. Dantès, avec ses multiples visages, est un tourbillon de douleur et de calcul, mais aussi, inattendu, un vecteur de grâce. Les antagonistes ne sont pas de simples caricatures de méchants mais des figures tragiques, enfermées dans les conséquences de leurs actions passées.

Le « Comte de Monte-Cristo – Tome 2 » de Mallet est donc bien plus qu’une adaptation ; c’est une réinterprétation qui honore son prédécesseur tout en revendiquant sa propre place dans la bibliothèque graphique.

Ceux qui cherchent dans la bande dessinée un équivalent du plaisir de lire un roman dense et riche trouveront ici leur compte.


L’Homme qui corrompit Hadleyburg

Bande dessinée publiée en 2022 aux éditions La boite à Bulles.


Adapté de l’œuvre de Mark Twain parue en décembre 1899.

La ville la plus honnête d’Amérique mise à l’épreuve de la tentation… Une adaptation réussie de la célèbre nouvelle de Mark Twain.

couverture bd L Homme qui corrompit Hadleyburg

Hadleyburg, ville dont la réputation est d’être la plus intègre d’Amérique, reçoit un jour la visite d’un homme mystérieux. Ce dernier est venu pour laver l’offense qui lui a, jadis, été faite par ses habitants : trop imbus d’eux-mêmes, ils en avaient oublié les règles de base de l’hospitalité.
Cet étranger a décidé de porter le fer là où cela leur ferait le plus mal : en faisant voler en éclat leur réputation de probité…

Prétendant venir récompenser la personne qui lui porta secours quand il était sans le sou, l’inconnu confie à un des plus honorables habitants une lettre ainsi qu’un sac contenant 40 000 dollars ainsi qu’une enveloppe à ne pas ouvrir.

La lettre précise que l’argent est à remettre à ce fameux bienfaiteur dont le nom n’est pas mentionné. Celui-ci se fera connaître en révélant la phrase qu’il avait dite à l’époque à l’indigent et consignée dans l’enveloppe scellée.

L’argent et l’enveloppe sont remis au révérend de la ville. Ce dernier est missionné pour découvrir l’identité du bienfaiteur et la garder secrète jusqu’à la cérémonie durant laquelle elle sera révélée.

Mais Hadleyburg est-elle aussi intègre qu’elle le prétend ? Petit à petit, parviennent au révérend des lettres de ses plus vénérables habitants assurant tous avoir aidé l’inconnu et prononcé la fameuse formule…

En proposant cette réécriture du mythe de la tentation, Mark Twain mettait en scène l’hypocrisie du christianisme américain, à travers les habitants d’une ville respectable qui, peu à peu, révèlent leur véritable nature…

couverture bd Ivanhoé Tome 3

L’avis d’histoiregeobd.com sur la bande dessinée « L’Homme qui corrompit Hadleyburg »

L’adaptation de l’œuvre de Mark Twain par Wander Antunes De Souza s’avère être une entreprise aussi audacieuse qu’habile, cristallisant avec une précision thématique la satire mordante de l’original.

L’histoire, qui explore les thèmes de l’orgueil et de la cupidité, est incarnée dans une fable morale où la tentation est le fil conducteur vers la révélation de la véritable nature humaine.

Le travail d’Antunes est loué pour sa capacité à retranscrire l’Amérique des années 1870-1880 avec des illustrations de qualité. Cette dichotomie entre le style et le contenu est symptomatique des défis inhérents à l’adaptation d’une prose aussi riche que celle de Twain en une forme visuelle.

Cependant, le dessinateur réussit à apporter sa propre interprétation tout en restant fidèle à l’esprit critique de l’auteur original, notamment dans sa dénonciation de l’hypocrisie sociale et religieuse.

En somme, Antunes ne se contente pas de traduire Twain en images ; il offre un miroir où se reflètent les vices intemporels de notre société. C’est une œuvre qui interpelle, autant qu’elle repousse, invitant à une introspection sur l’authenticité de nos vertus.

« L’Homme qui corrompit Hadleyburg » est donc une bande dessinée qui, tout en suscitant un débat sur la fidélité graphique, réussit brillamment à perpétuer la pertinence de l’introspection morale de Twain à travers les âges.